~ Esclave ? Et puis quoi encore ! ~ [pv Yulian]

Combien de temps s'était-il écoulé depuis le moment où elle avait atterri ici ? Elle ne le savait plus. De toute façon, de là où elle était, elle n'avait plus aucune notion du temps qui passait. Elle ne savait pas si nous étions mardi ou bien jeudi, ni quelle heure du jour ou de la nuit il pouvait être. Si ça faisait deux jours ou quatre qu'elle était enfermée.

Tout ce qu'elle savait, c'est que le sol de cette cellule était rudement inconfortable pour dormir et que la bosse qu'elle avait ressenti sur son cuir chevelu avait un peu réduit ... ou alors était-ce simplement qu'elle s'habituait à la douleur ?

Les premiers temps de son 'arrivée' ici, elle les avait passé à s'époumoner, tentant d'attirer l'attention de n'importe qui. Le seul effet de ses crises d'hystéries à répétition avait été de voir débarquer un homme franchement en rogne, qui l'avait repoussé violemment contre le mur de pierre du fond ... aussi facilement que s'il avait enlevé une poussière posée sur son veston. Ce qui avait profondément agacé Anya. Sa fierté avait pris une claque monumentale mais elle se rappelait avec intelligence qu'elle était une jeune fille de moins d'un mètre soixante, enfermée dans une cellule face à un mastodonte qui lui indiquait férocement de "fermer sa putain de gueule". Alors elle n'avait pas eu besoin de réfléchir beaucoup avant de grimacer et de retourner s'assoir par terre, en baissant le regard.

Et elle avait fait comme les autres avec le temps, elle avait arrêté d'appelé à l'aide. Elle épiait les allers et venues de ce qu'elle voyait comme ses geôliers, qui parfois semblaient accompagnés de personnes tout aussi effrayantes. Parfois certains s'arrêtaient devant une cellule pour repartir plus loin, et parfois une personne détenue tout comme elle était violemment invitée à sortir de là où elle croupissait pour disparaitre ailleurs.

Toute cette mascarade lui donnait l'impression d'être un objet de décoration posé sur une étagère, mise à disposition de n'importe qui. Et son cerveau commençait à donner des signes de fatigue à force de vouloir trouver une explication à tout ça. Cette attente commençait à la rendre folle, reléguant la peur qu'elle ressentait depuis son enfermement ici au second plan.

"Mais qu'est ce que vous voulez à la fin !!!!!" - Cria-t-elle, sachant qu'il n'y aurait aucune réponse ... comme toujours.

Si encore on lui avait demandé quelque chose, mais non. Elle se contentait d'être enfermée, et un oiseau à qui l'on brise les ailes finit immanquablement par se laisser mourir.

Yulian marchait à vive allure dans les couloirs du château, les pants de sa cape noire comme l’ébène voltigeant derrière lui. Le vampire se dirigeait instinctivement vers la sortie sans trop faire attention à ce qui l’entourait … Il aurait dû aller se nourrir avant de partir errer mais n’ayant aucunement la tête à ça, il délaissa cette tâche première pour en privilégier une autre qui aurait pu être bien moins importante mais qui l’était tout autant à ses yeux : son propre plaisir. Au fond l’argent n’était pas un souci mais acheter un esclave pour le tuer dans les minutes suivantes lui posait quelques problèmes de gaspillage. Mais il savait se tenir alors à quoi bon se poser trop de question ?

Il fut rapidement dehors, juché en haut des marches qui donnaient sur une nature endormie, son regard posé sur ce qu’il restait de ce qui fut jadis un parc magnifique d’ailleurs ... Comment un endroit si paisible pouvait-il abriter tant de vice et d’abominations ? La beauté du lieu ne collait pas vraiment avec les actes qui y étaient perpétrés et pourtant … Sans plus de questions, doucement il avait descendu les marches le menant dans l’herbe tiède de ce début de soirée. Et légèrement ses pas l’avait mené vers la fontaine sur les bords de laquelle il posa sa main. Ainsi penché en avant, son autre main vint effleurer l’eau cristalline, créant de petites vagues quasi imperceptibles qui auraient dû venir troubler son reflet, si seulement il en avait un …

Cette eau cristalline, Yulian aurait bien voulu pouvoir s'en saisir, mais chaque fois que son poing se fermait, l’eau s’en échappait inlassablement fière et indomptable. Quel paradoxe, être au sommet de la chaîne alimentaire, avoir le droit de vie ou de mort sur tout être vivant, pour finalement être tenu en échec par un composant sans vie. Pour en arriver au point de réfléchir à de telles choses, c’est qu’il s’ennuyait à mourir. Oh oui ça il s’ennuyait depuis quelques années, toutes les joies qui avaient constituées sa vie avaient fini par le lasser.

Une esclave … Voilà qui serait une judicieuse idée, une proie avec laquelle il pourrait jouer longtemps, enfin aussi longtemps que la petite chose la distrairait. Le vampire savait pertinemment qu’il n’aurait nulle peine à se dégoter un tel objet, mais là un souvenir douloureux s’imposa à nouveau. Non il n’achèterait pas d’esclave … Et puis qui payerait sa nourriture de toutes manières ? A part ces humains qui ne savent que jurer par l’argent. Oh oui ces paroles étaient faciles à tenir pour lui qui n’avait jamais manqué de rien mais est-ce vraiment comparable ? Sa vie éternelle contre celle éphémère des humains. Définitivement non.

N’arrivant décidemment à rien ce soir, l’immortel se demanda s’il ne ferait pas mieux d’aller chasser, à moins que ça aussi soit hors de sa portée … Il se surprit au sommet de pathétique, vraiment utiliser le cynisme sur sa propre personne, s’en était dégradant. Heureusement pour lui que tout ce débat ne se déroulait que dans son esprit quelque peu égaré, car une présence s’approchait doucement de lui. Ainsi il pu mettre rapidement et le plus furtivement possible les voiles et prit fatalement le chemin de l’antre de ce cher marchand d’esclave.

Une fois entré dans la bâtisse dévastée, il s’immobilisa sur le seuil de l’escalier et vu l’odeur il n’y avait pas de doute sur la fonction de l’endroit auquel menait ce même escalier. Il ne fit pas demi tour et se contenta de fixer les ténèbres d’où quelques plaintes perçaient. Non il ne devait pas descendre acheter un humain … Mais il pouvait aller jeter un petit coup d’œil à la limite. Finalement l’envie fut la plus forte, comme toujours, et il s’engagea dans l’escalier aux relents d’égout puant. Cette odeur il ne l’avait pas connue depuis plusieurs siècles maintenant, ramenant avec elle de vieux souvenirs d’un passé oublié, il reprit ainsi son errance au gré des couloirs. Des escaliers, des couloirs, des cellules, des esclaves, un couloir …

Son regard glissant sur les divers corps que comptaient ces cellules pourries, des corps dépourvues d’âmes à force d’être enfermés ici. Il n’avait vraiment rien à faire ici, ces humains étaient dénués d’intérêt.

"Mais qu'est ce que vous voulez à la fin !!!!!"

Yulian se figea dans son demi tour alors bien décidé à sortir des ces catacombes funestes. Arrivée fraîche où obstination accrue ? Un sourire amusé pointa le bout de son nez alors que l’immortel se dirigeait vers la cellule d’où la douce voix s’était élevée. Il n’eut pas le loisir de regarder de plus près par le petit interstice que déjà une grosse masse informe se précipitait vers lui. Cette chose immonde devait sûrement être l’un des nouveaux goêliers du propriétaire des lieux et détenait sûrement par la même occasion ce qu’il désirer le plus à cet instant : la clé de la porte en face de lui. Il la demanda, oh certes pas vraiment poliment, mais bon il ne fallait pas trop en demander non plus. Son expression totalement neutre ne cilla pas lorsque la chose débita quelques mots qui formèrent, oh miracle, une phrase.

" Soyez le bienvenue maître ! Oh cette esclave est tout à fait faite pour vous maître je vous l’assure ! J’ai essayé de la mater moi-même mais rien à faire … "

L’immondice qui osait faire parti de la même race que lui fut brutalement stoppé dans son discours alors qu’il se retrouvait propulsé contre le mur le plus proche. Un bruit sourd fut témoin du choc, la chose avachie contre les pierres ne semblait plus vraiment en état de mater qui que ce soit. Yulian ramassa le trousseau de clés qui était tombé à terre et n’accorda qu’un regard méprisant à son propriétaire avant de se retourner vers la grille qui l’intéressait grandement. Il adressa une fois de plus la parole au gardien comme s’il parlait de la pluie et du beau temps tout en cherchant la clé correspondante.

« Le prochaine fois que j’entends que tu essayes de mater la propriété d’autrui je t’arracherai les yeux, te couperai la langue et les mains. »

Oui il aimait afficher à tout bout de champ sa supériorité mais au fond c’était plutôt une seconde nature que vraiment intentionnel. Il trouva enfin ce qu’il cherchait et put ouvrir la porte sans plus de cérémonie, prêt à découvrir ce qu’il venait d’acquérir sans vraiment y faire attention. Mais vraiment pourquoi avoir dit ça ? Il avait décidé de ne pas acheter d’humain et encore moins une humaine ! Pas après ce qu’il s’était passé … Il avait vraiment le goût de se taper la tête contre le mur poisseux. Mais maintenant qu’il s’était avancé, aucun moyen de faire demi tour sans passer pour une grande gueule et puis le voulait-il seulement ... L’envie l’emporte sur la raison, du moins cette fois-ci. Seule ombre au tableau, il ne savait même pas à quoi elle pouvait bien ressembler, le corps était une chose mais le visage caché dans l’ombre depuis qu’il l’avait aperçue en était une autre. Il ne lui restait plus qu’à espérer de ne pas tomber sur un laideron, ou sinon il allait vraiment claquer de l’argent pour rien. Il avait beau être riche cela ne voulait pas dire qu’il aimait le gaspillage.

Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il découvrit la petite chose fine et délicate dont la beauté détonnait forcément avec l’endroit. Un sourire appréciateur intérieur plus tard, il garda son masque d’impassibilité tout en s’approchant de la captive devant laquelle il s’accroupit afin d’être à son niveau. Détails de plus prêt ce magnifique visage, il finit par briser le silence et plongea son regard grenat dans celui de sa nouvelle propriété.

« Comment une aussi belle fleur a-t-elle pu s’égarer dans ce jardin délabré ? »

Les murs recouverts de moisissures lui donnaient la nausée, aucune chance qu’elle ne s’adosse contre ça. Elle se le répétait depuis ce qu’elle pensait être des jours. Et pourtant en cette minute où le désespoir pointait à l’horizon, elle ne fit pas cas de sa chemise trop légère pour la fraîcheur de la « pièce », elle s'en fichait comme de la guigne de savoir ce qui allait se passer maintenant … elle avait juste envie de mourir pour se libérer de cet endroit sordide. Elle était épuisée physiquement et moralement, et le cri qu’elle venait de pousser aurait tout aussi bien pu être le dernier avant qu’elle ne se mure dans un silence de détresse.

Qu’avait-elle fait pour subir ça ? Quel Dieu pouvait tolérer cette situation sans rien faire ? Et ses parents … Sa mère devait être morte d’inquiétude à l’heure qu’il était. Si seulement elle pouvait juste lui dire que ça allait, qu’elle ne rentrerait pas mais qu’elle ne s’inquiète pas pour elle … n’importe quel mensonge aurait fait l’affaire pourvu que ça la convainque de son désir de fuir de pays honnis.

Tout ce que l’on prend pour acquis dans cette vie, toutes ces choses ridicules que les gens font par habitude et dont elle était privée … Ne serait-ce que la possibilité de regarder le ciel et de contempler la Lune. Le plus insignifiant de ses désirs était foulé du pied avec dédain … Ne lui restait maintenant que sa capacité à garder la tête haute, et attendre une délivrance mortelle qu’elle ferait tout pour attirer, de façon rapide.

Son dos vint frôler ce mur poisseux, puis elle s’en aida pour rejoindre le sol où elle s’installa en tailleur, patientant le prochain repas qu’on lui apporterait et qu’elle s’empresserait sans aucun doute de jeter à la figure du « livreur » … juste de quoi le faire sortir de ses gonds. Ou peut-être se remettrait-elle à hurler suffisamment longtemps pour que l’homme de la dernière fois vienne achever ce qu’il s’était retenu difficillement de faire. Tant de colère et de frustration mêlées sur un même visage étaient plutôt rare.

Oh oui … elle trouverait un moyen. Tout, sauf rester ici à attendre de perdre la raison.

Son cerveau qui s’était mis à chercher mille excuses qui lui permettraient de mettre son plan à exécution, toutes plus délirantes les unes que les autres, fut pourtant stoppé net dans ses réflexions alors qu’elle entendait enfin quelqu’un parler de l’autre côté de sa porte de cellule. Ca n’était pas vraiment les mots qu’elle aurait aimé entendre, mais au moins quelqu’un avait entendu son appel.

" Soyez le bienvenue maître ! Oh cette esclave est tout à fait faite pour vous maître je vous l’assure ! J’ai essayé de la mater moi-même mais rien à faire … "

Maitre ? Esclave ? Mater ? Non mais c’est quoi ce délire de merde ??

Qui était suffisamment vaniteux pour se faire appeler « Maître » ? Anya avait l’impression d’être revenue aux temps anciens, tant les profondes notes de respect qui suintaient dans ce discours désuet étaient claires. Aussi claires que le bruit mat qu’elle perçut par la suite, coupant son geôlier dans son discours trop fleuri.

Et puis des pas, des bruits de clés qui redonnaient un espoir malsain à la captive … qui se cherchait à deviner ce qui pouvait être en train de se passer dehors.

« La prochaine fois que j’entends que tu essayes de mater la propriété d’autrui je t’arracherai les yeux, te couperai la langue et les mains. »

Son cœur se comprima douloureusement alors que ses yeux ne quittaient pas cette porte qu’une voix trop douce venait de traverser. Un discours qui trahissait d’une certaine confiance en soi et un goût évident pour la mise en scène. Qui que soit ce « Maitre », il était clair qu’il ne faisait pas parti des gens à énerver. Parfait. Il la tuerait peut-être de façon rapide et indolore si elle s’y prenait suffisamment bien.

Elle ne fit aucun mouvement alors que la porte s’ouvrait enfin, à part ses yeux qui se rétrécirent par réflexe devant le peu de luminosité qui arrivait à pénétrer dans sa cellule. Au début, elle ne vit rien d’autre qu’une ombre noire, puis alors qu’il rentrait dans le cachot, elle ne put retenir un regard curieux, presque moqueur devant ce personnage tout droit sorti d’un autre temps. Qui mettait encore des capes à notre époque à part pour fêter Halloween ?

Elle détailla les traits fins de cet homme qui s’accroupissait à son niveau. Des traits d’une beauté rare, et pourtant emprunt de dureté, comme s’il avait vu trop de choses en ce monde. Elle voulait lui cracher au visage pour son attitude, comme si toute cette scène était normale. Comme s’il rendait visite à une inconnue croisée dans la rue.

Rien, ici, n’était normal.

Et lorsqu’elle croisa enfin son regard, elle haussa un simple sourcil. Portait-il des lentilles pour compléter son attiraillle loufoque ? Comment des yeux pouvaient-ils avoir cette couleur si profonde de rouge ? C’était insensé … comme tout ce qu’elle voyait depuis qu’elle avait été enlevée d’ailleurs.

« Comment une aussi belle fleur a-t-elle pu s’égarer dans ce jardin délabré ? »

…

Pendant un instant elle se demandait s’il s’adressait vraiment à elle … avant de jeter un œil circulaire dans la pièce pour vérifier qu’elle n’avait rien raté. Réalisant qu’elle était seule, elle n’eut d’autre réflexe, nerveux sans doute, que d’éclater de rire. Il sonnait faux, et ironique à souhait, mais elle n’avait pas pu le retenir.

« Ouais hein ? Je me pose la même question figurez-vous. »

Elle passa un doigt sur le mur crasseux et le porta devant le nouvel arrivant … trop attirant pour être honnête. Elle sentait son cœur s’emballer, hésitant entre la peur et la colère. Mais dans un cas comme dans l’autre, elle avait besoin d’évacuer sa frustration et sa rage.

« Si vous croisez la femme de ménage, dites-lui qu’elle a oublié de passer ici ... ça m’arrangerait. »

Elle ne retenait plus le sarcasme qu’elle avait gardé en elle tout ce temps. Malgré sa voix un peu éraillée, maintenant qu’elle avait quelqu’un en face d’elle, toutes ces idées de tentatives stériles pour mourir étaient reléguées à l’arrière plan. Tout ce qu’elle voulait, alors qu’une personne ENFIN s’intéressait à sa présence ici … c’était comprendre.

« Savez-vous le pourquoi de ma présence ici ou jouons-nous aux devinettes ? J’ai tout mon temps vous savez… »

Finalement… peut-être que ses idées de suicide n’étaient pas parties si loin. Elle le provoquait de façon directe, sans doute trop directe mais peu importait. Cet homme paraissait trop charismatique pour un endroit tel que celui-ci et elle sentait que sa place n’était pas ici. Que venait-il trouver en cet endroit funeste ? Et quel rôle était-elle censée jouer dans tout ça ?

Le mot 'esclave' tournait dans sa tête, mais elle était trop fatiguée pour construire des suppositions bancales. Alors elle attendrait qu'il daigne lui répondre, peu désireuse de faire un quelconque effort pour faciliter les choses.

Mais bientôt ses yeux discernèrent plus qu’une simple silhouette et ce qu’il vit dans son regard l’amusa grandement. Pas de surprise, pas d’empressement à embrasser le mur, pas de peur, juste cette curiosité teintée de ce qu’il aimait beaucoup. Apparemment elle n’avait pas une idée précise en tête de ce qu’il pouvait se passer en ces murs et de toute façon rien qu’avec l’aperçu qu’elle avait eu des personnes du coin avec le gardien elle ne devait pas s’attendre à quelque chose de très glorieux…

Ce qui se succéda sur la physionomie de la jeune femme ne l’étonna guère car il en était bien trop amusé. Le sommet de son amusement fut atteint lorsqu’elle avisa d’abord l’ensemble de sa cellule avant de comprendre que oui il lui adressait la parole. Yulian laissa son visage se baisser un instant, dissimulant le petit sourire en coin qu’il ne pouvait pas retenir sur le moment. Il est vrai qu’il était bizarre qu’un immortel accorde un quelconque intérêt à un humain mais ici les règles avaient changé, ses règles régnaient en reines absolues. Et oui grâce à lui les humains avaient su éveiller un tout autre intérêt que l’indifférence pour les immortels.

« Ouais hein ? Je me pose la même question figurez-vous. »

Bien derrière son masque d’impassibilité, ce qui surpris Yulian ce fut la capacité de la jeune captive à repousser l’attirance irraisonnée qu’elle avait pour l’être qu’il était. Une envie croissante de s’amuser de cette résistance lui dévora les sens, le rythme du cœur emballé de la belle était un appel très convainquant…

« Si vous croisez la femme de ménage, dites-lui qu’elle a oublié de passer ici ... ça m’arrangerait. »

Oh du sarcasme ! Il s’en lècherait presque les babines s’il était négligé. Les mots de la captive coulaient jusqu’à ses tympans comme un nectar doux et délectable. En voilà une esclave intéressante pour l’avenir, sa répartie promettait des discutions et situations dont l’immortels se délectaient déjà.

« Savez-vous le pourquoi de ma présence ici ou jouons-nous aux devinettes ? J’ai tout mon temps vous savez… »

Oh non il n’avait aucunement l’intention d’expliquer le pourquoi du comment à un être aussi insignifiant. Non, il était bien plus amusant de lui faire comprendre physiquement l’ampleur de la situation dans laquelle elle se retrouvait désormais. Il combla lentement la distance qu’il restait entre eux et fit glisser sa main sur la joue de la captive, le long de son cou qu’il dégagea ainsi de la chevelure ébouriffée. Son autre main fit délicatement mais fermement basculer le visage gracieux afin de lui donner un meilleur accès à ce cou si tentant. Tout aussi doucement il se pencha et tout aussi délicatement il effleura la peau douce de sa proie avec des canines trop pointues pour ne pas égratigner cette peau délicate.

Deux gouttes ne tardèrent pas apparaître et le vampire ne les laissa pas s’échapper, les recueillant du bout se langue. Electrifiant, voilà le mot qui représentait la situation à travers les yeux de l’immortel. Heureusement pour lui que le contrôle de soi était chose aisée chez lui car sur l’instant il eut le plus grand mal de sa longue vie à rester de marbre. Il était donc qu’une formalité pour lui de contrôler ses gestes et expressions, un point positif pour lui … Mais cette sensation, cette envie dévorante, quasi incontrôlable, il ne la connaissait que trop bien pour l’avoir ressenti une fois par le passé ? Une sensation qu’il ne pensait ne plus jamais connaître, une fois était bien assez dans une seule éternité ? Au final il ne savait pas dire s’il était tombé mal ou pas, cette femme était un bien comme un mal pour lui. Une fois de plus certes mais il savait à quoi s’attendre cette fois-ci au moins, finalement il n’avait tant à se plaindre de son acquisition que ça.

Mais cette sensation et ce goût alléchant diminuaient conséquemment la durée de vie de cette jeune humaine, personne ne devait plus jamais l’atteindre et seule sa mort pouvait lui promettre cette tranquillité, quel dommage… Un sourire sadique apparut au coin de ses fines lèvres pendant qu’il savourait encore ce goût sur sa langue et l’effet de ces quelques gouttes dans ce corps mort. Quelques instants plus tard il fit glisser ses lèvres vers l’oreille de l’humaine lui susurrant quelques mots qui devraient la faire réagir. Lui qui l’ignorait, ne répondant pas à ses questions et n’y répondrait jamais dans un tel endroit, ce permettait de lui en poser une sachant pertinemment la réponse.

« Dis moi, où crois-tu être ? »

Il ne désirait qu’une chose : que la peur fasse son petit bout de chemin et alors il en serait plus que satisfait. Ainsi il lâcha le visage qu’il tenait jusqu’à lors, lui rendant sa liberté de mouvement. C’était un plaisir de jouer avec ses futures victimes autant moralement que physiquement, toucher là où ça pourrait faire mal, faire naître la peur ou l’accentuer. Une envie qui pouvait envahir parfois chaque membre de son corps, chaque morceau de chair, chaque fibre de ses muscles. Ces moments là pouvaient monter jusqu’aux paroxysme de l’envie, lui procurant un plaisir perfide.

« Et qui crois-tu que je puisse être ? »

Tout en laissant échapper ces mots avec cette fois-ci son amusement peint sur ses traits fins de prédateur tout en promenant sa main sur le cou meurtri par ses soins, recueillant le liquide tout autant honni qu’adoré qui s’échappait lentement et lascivement de cette petite blessure personnelle. Il ramena doucement ces doigts souillés jusqu’à sa bouche et prit un fin plaisir à les lécher un à un sans quitter sa proie des yeux.

Elle n'aimait pas le regard qu'il portait sur elle en ce moment. Il était brillant d'une lueur malsaine, qui elle devait l'avouer, lui faisait peur. Elle en venait même à regretter ses longues journées de solitude... à regretter de ne pas être tombée sur le garde qui avait l'air de tant la détester. Tout, plutôt que de voir cet homme s'approcher d'elle avec un air amusé sur le visage.

Lorsqu'il posa sa main sur son cou, elle ressenti un violent frisson lui parcourir la peau. Cet homme qui semblait tout droit venu d'un autre temps se penchait dangereusement vers elle et la seule pensée, bien humaine il fallait l'avouer, qui lui vint à l'esprit c'était qu'il allait abuser d'elle. Sinon pourquoi se pencherait-il de la sorte ? Pourquoi enlèverait-il ses cheveux de façon si lente et calculée ?

En tout cas, s'il voulait lui faire peur... c'était carrément gagné. Elle était tétanisée, se disant bêtement que si elle ne bougeait pas, il en viendrait à oublier sa présence. C'était puérile comme idée, mais elle ne comprenait pas cette lenteur dans les gestes, comme s'il se satisfaisait de la sentir se tendre d'angoisse et qu'il se repaissait de la peur que la jeune femme ressentait.

Elle fut un instant saisie par l'odeur que dégageait les cheveux de cette homme alors que son visage déviait inexorablement vers le cou de la captive... pas de parfum... ni aucune autre odeur qu'elle reconnaissait. C'était fleuri, musqué aussi, un savant mélange délicat et elle se prit à fermer les yeux pour respirer cette senteur harmonieuse qui faisait naître un dangereux sentiment de sécurité. Tout dans cet homme contrastait avec le fait qu'il puisse lui faire du mal, et pourtant au fond d'elle, elle savait qu'il n'était pas quelqu'un de bien.

Ce que pouvait ressentir Anya était confus. Un savant mélange d'anxiété et d'anticipation... un peu comme ces enfants qui regardent un film d'horreur en sa cachant les yeux, mais ne pouvant s'empêcher d'écarter les doigts pour savoir ce qu'il va se passer. De toute façon elle ne pouvait que jouer son rôle de pantin entre ces doigts dotaient d'une force qu'elle ne soupçonnait pas... elle aurait été bien incapable de reprendre le contrôle de son cou, emprisonné qu'il était.

Sa respiration se saccadait au fur et à mesure qu'elle le sentait approcher de sa peau, et ses poings se crispaient... seule possibilité pour elle de canaliser ses angoisses.

Aïe...- laissa-t-elle échapper alors qu'elle sentait comme une griffure profonde sur son épiderme fragile.

Ca n'avait pas vraiment été réellement douloureux, mais ça n'avait pas vraiment été doux non plus. Comme tout le reste, cet homme semblait doser tous ces gestes pour la laisser dans le flou le plus artistique qui soit. Elle avait vaguement senti un liquide chaud s'échapper mais il ne pouvait pas l'avoir faite saigner n'est ce pas ? Et cette langue qui avait réussi en un court instant à recouvrir son corps de frisson... que ses mots soufflés au creux de son oreille ne calmaient absolument pas.

Où pensait-elle être ? Voila des jours qu'elle réfléchissait à cette question plus que tordue. Elle avait juste l'impression d'être tombée des siècles en arrière à l'époque de la traite des hommes, sans parler du fait que le mot "esclave" tournait sans arrêt dans son esprit embrumé par la faim et la fatigue. Épuisement physique et psychique, elle était fatiguée... vraiment. Et lorsqu'il relâcha enfin son visage, elle n'eut même pas comme premier réflexe de le garder haut. Au contraire, il flancha vers le bas une seconde avant qu'elle ne se redresse un peu, se passant une main sale sur le front pour dégager des mèches restées collées. En tout cas, le désarroi de la jeune femme avait l'air de rendre le nouvel arrivant plein d'entrain, car le sérieux de son visage avait laissé place à des accents de malice.

Putain je suis tombée sur un psychopathe de première ma parole !

Il avait réussi à la déstabiliser avec ses gestes ambiguës, mais déjà ses sourcils se fronçaient de nouveau alors qu'elle avait un geste de recul inutile lorsqu'il approchait sa main de son cou.

Et qui crois-tu que je puisse être ?

Elle écarquilla les yeux alors qu'elle voyait les doigts du jeune homme recouvert d'un liquide vermeil bien caractéristique. Automatiquement elle porta sa propre main sur sa blessure et regarda étonnée, ses propres doigts souillés. Comment avait-il pu lui faire une blessure pareil sans qu'elle ne souffre d'avantage ? Elle reporta son attention sur son agresseur, et ce qu'elle vit de lui était aussi repoussant que séduisant. Elle ne pouvait émettre aucun son de dégoût mais sa bouche qui se tordait montrait clairement l'écœurement qu'elle avait à le voir lécher ses doigts d'une façon bien trop indécente pour le lieu où ils se trouvaient.

Elle tentait de réfléchir à la question, mais à peine eut-elle réfléchit à deux-trois choses qu'elle avait repéré, elle annonça de but en blanc

Et bien vous êtes un méchant vampire assoiffé et je suis votre prochain repas. Vous auriez pu tomber sur mieux, je n'ai pas grand chose à vous offrir niveau boisson.- Annonça-t-elle en montrant son corps de danseuse, que beaucoup trouvait trop mince.

Puis elle rigola elle-même de sa plaisanterie puérile. Mais que voulez-vous... les vampires étaient à la mode chez les humains et quand elle voyait cet homme qui donnait l'impression d'avoir vécu plusieurs vie, se régaler de sang... elle n'avait pas tellement réfléchie. Pourtant c'était idiot. Complètement idiot même. A quoi pensait-elle en jouant son effrontée de service !

Vous savez quoi... je suis là depuis je ne sais combien de temps et j'ai juste envie de voir la lumière du jour alors non... je ne sais pas qui vous êtes mais peut-être que vous pouvez me renseigner...

Si elle avait peur ? Oh oui. Cette sensation ne s'arrêtait pas, et pourtant elle avait un soupçon de murmure au fond d'elle qui lui disait qu'il allait être particulier pour elle. S'il voulait la tuer après tout, elle serait déjà en train de subir mille tortures, déjà morte... déjà ailleurs... avec quelqu'un d'autre...

Je m'appelle Anya... et vous c'est quoi ? Oh et bien sur... que comptez vous faire de moi. Ca m'intéresserait de savoir.

Et malgré la peur qu'il lui inspirait, elle n'arrivait pas à retenir son sarcasme légendaire. Elle était née avec, et n'avait cessé de le cultiver... c'était une seconde nature chez elle de se cacher derrière lorsqu'elle se sentait dans une situation qui la dépassait. Et force était de constater qu'elle était noyé dans la situation actuelle...

» Yulian Plechkanov